Lise Pressac Non classé Même pas peur

Même pas peur

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Les gens ne me croient jamais quand je leur dis que j’ai peur des chiens.

La simple vue d’un caniche peut me faire changer de trottoir. Et plus ils sont petits et plus je me méfie.

Mais je me soigne, enfin j’essaie.

Exercice pratique : rester stoïque lorsqu’en terrasse quelqu’un s’assied à la table d’à côté avec son chien qui a décidé de me faire du renifle-pied.

Un problème ? Non aucun… Pourquoi ? J’ai l’air tendu ?

Je sais c’est idiot.

Mais une peur, par définition, n’a rien de rationnel.

Enfin si, justement.

La peur est un mot galvaudé.

Utilisé souvent à tort, plus qu’à travers.

Je crains les chiens, je me méfie d’eux, je suis sur mes gardes quand j’en vois un.

La peur c’est autre chose.

C’est un sentiment que je n’ai ressenti qu’une fois.

Cette fois-là j’ai compris que je n’avais jamais vraiment eu peur auparavant.

Ce jour-là un attentat venait de se produire à quelques rues de chez moi, et ce n’était pas la première fois.

J’habitais alors Istanbul. C’était en novembre 2003.

Lors du premier attentat je n’ai pas eu peur, je me suis dit qu’il s’agissait d’un acte isolé.

L’explosion avait eu lieu à proximité de chez moi, dans le quartier des ambassades (là où tous les expatriés se regroupent sans originalité).

Une synagogue était visée.

Bilan : 23 morts. 6 juifs et 17 musulmans. 300 blessés.

Nous étions alors en période de ramadan et la vie a continué comme si de rien n’était.

Mais seulement cinq jours plus tard un autre attentat.

Les cibles : le consulat britannique et la banque HSBC.

Une trentaine de morts dont le consul britannique. Près de 400 blessés.

J’étais seule chez moi, mes colocs étaient à la fac.

J’entends encore le bruit assourdissant des hélicos au-dessus de ma tête.

J’avais peur cette fois.

C’est un sentiment que doivent ressentir au quotidien les habitants des pays en guerre.

Un sentiment que je ne souhaite à personne de ressentir un jour, pas même à mes ennemis.

C’est l’impression d’être piégé, de ne rien pouvoir faire, de n’avoir aucun endroit où fuir.

L’impression que quoi qu’on fasse on ne pourra jamais empêcher le pire de se produire.

L’impuissance la plus totale.

Le sentiment d’être en sécurité nulle part.

Vouloir infliger ce sentiment là à toute une population c’est lui vouloir du mal.

Peu louable s’il s’agit de la population d’un pays ennemi contre lequel on est en guerre mais néanmoins logique en de telles circonstances.

Grave et inexcusable lorsqu’il s’agit de ses concitoyens.

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